Décidément ces derniers temps, le cinéma aime rendre hommage à ses prédécesseurs. Que ce soit cet été, avec le film de J.J. Abrams Super 8. Ou récemment Hugo de Martin Scorcese, qui est un hommage à la naissance du 7e art et plus particulièrement au travail de Mélies, tout ceci en utilisant la 3D (brillamment) pour faire le parallèle entre les innovations de l'époque et celle d'aujourd'hui. Ensuite avec The Artist, de Michel Hazanavicius (le réalisateur des deux OSS 117), avec son duo de choc favori Jean Dujardin et Bérénice Bejo (sa compagne dans la vie). C'est un hommage aux films noir & blanc hollywoodien des années 20-30, bourré de clins d'oeil et servi par un casting royal. Au détour de chaque scène vous reconnaissez un acteur ou une actrice américaine, plus ou moins connu : John Goodman (Al Zimmer, le producteur), James Cromwell (Clifton, le fidèle chauffeur), Penelope Ann Miller (Doris, la femme de Valentin), Missi Pyle (Constance, la co-héroïne de Valentin), Beth Grant (la domestique de Peppy), Joel Murray (le policier qui sauve Valentin), Malcolm McDowell (un acteur que Peppy rencontre lors de sa première audition)...
Tantôt vous riez aux pitreries du héros Georges Valentin, tantôt vous pleurez en regardant sa lente chute. Jean Dujardin est magistral, mais comme il l'est toujours. Il montre encore une fois combien il peut tout faire. Son visage ultra-mobile est plus qu'utile pour interpréter cet acteur de muet. Pas besoin de paroles, son visage et même son corps entier sont un roman à ciel ouvert qu'il nous prend plaisir à découvrir page après page. Il nous charme, nous amuse, nous fait rire et pleurer. Et son duo avec le chient est royal. Mais en même temps, Jean Dujardin ne m'a pas surpris. Et ce n'est pas une critique, c'est juste qu'il avait juste déjà tout ça en lui. Nous en avions découvert, par petite touche, au fil de ces diverses expériences, que ce soit au cinéma, à la télévision, ou au théâtre. C'est un acteur caméléon qui ne s'enferme pas dans une case, et prend perpétuellement des risques. Chose hélas de plus en plus rare. The Artist en était un de plus et on ne peut que le remercier d'avoir relever ce défis. Je suis rarement impressionné par les acteurs (et le cinéma) français mais force est de constater que Jean Dujardin fera dorénavant partie de mon TOP d'acteurs incontournables, majoritairement américain-anglais-canadien. Je soutiendrais ainsi ma soeur qui l'adore depuis l'époque de Un gars, Une fille, pour le plus grand malheur de son copain, qui le trouve trop maintream/populaire. Je crois qu'avec The Artist, il va définitivement devoir revoir sa copie.
En face Bérénice Bejo, avec son petit couvre chef toujours visé sur la tête, est vraiment irrésistible et pleine de talent. Elle sait se montrer drôle, touchante et aligner les pas de danse avec une facilité déconcertante dans ce rôle de jeune première qui lui va comme un gant. Le duo qu'elle forme à l'écran avec Jean Dujardin est toujours un bonheur à voir et ce depuis OSS 17. C'est deux-là s'adorent et cela transparaît à l'écran. Ils prennent plaisir à jouer et nous à regarder. On se prend d'amour pour ce couple qui se cherche et se perd tout au long du film, en ayant peur de ne jamais les voir atteindre le bonheur. Du mélo dans son art le plus pure. Le meilleur exemple de la complicité entre ces deux acteurs, c'est la longue scène de claquettes finale en un seul plan.
La bande originale de Ludovic Bource est tout aussi royale et porte à merveille le casting et l'intrigue, remplissant les silences laissé par le muet. Je pense notamment au morceau Waltz For Peppy que l'on pouvait retrouver dans la bande annonce : magnifique.
Pour pallier l'absence de son, l'image doit décupler son pouvoir, se montrer d'autant plus symbolique, rivalisant de trucs et astuces si simples en apparences mais qui ajoutent à la magie du film. Je pense notamment à la scène où Peppy enfile le costume de Valentin, s'imaginant dans ses bras, à celle de Valentin face à une vitrine admirant un smoking, ou encore lorsqu'il regarde chez lui les vestiges de sa gloire sur grand écran et observe impuissant sa propre ombre lui faire faux bon, le cauchemar sonore qui nous surprend au même titre que le héros, mais aussi la scène où il découvre ses affaires stockées chez Peppy avec le montage qui s'acharne sur l'horloge avec les singes sculptés qui personnifie parfaitement le ressenti intérieur du héros à ce moment précis, etc... D'ailleurs grand travail du directeur de la photographie Guillaume Schiffman qui a su faire des merveilles des contraintes qu'imposait le format du film. Que ce soit avec les lumières, mais aussi les nuances de noir et blanc, qui tendent vers le gris à mesure que le héros sombre dans l'anonymat (du muet que plus personne n'entend), en opposition à l'entrée dans la lumière (du parlant) de l'héroïne.
Jean Dujardin et Guillaume Schiffman.
Et enfin, grand BRAVO à Michel Hazanavicius qui a eu cette idée de film muet et est allé au bout de son projet, alors même qu'Avatar battait son plein dans les salles. Il s'est documenté jusqu'à l'overdose pour connaître son sujet sur le bout des doigts. Ce sont les films de Murnau (notamment L'Aurore et City Girl, Our Daily Bread), ceux de Frank Borzage, La Foule de King Vidor, les films de Chaplin, les Fritz Lang (je pense notamment à Metropolis, un autre muet absolument passionnant), ceux de Von Stroheim, L'Inconnu de Tod Browning, etc... qui ont inspiré le réalisateur (selon ses propres dires) lors de l'écriture, et qu'il a montré comme références aux acteurs et à l'équipe. Autant de films qui mériteraient qu'on s'y intéresse.
Jean Dujardin et Michel Hazanavicius.
Et n'oublions pas Jack le petit chien (Uggy de son vrai nom) qui a lui aussi été primé à Cannes avec la Palm Dog. Il est le parfait compagnon de Valentin durant tout le film. Son duo avec Dujardin est des plus drôle, tellement ces deux-là sont complices. Il me ferait presque aimé les chiens, c'est dire.
Je vous conseille grandement la lecture du dossier de presse du film, via le site de la WarnerBros, ici qui vous permet d'apprendre pleins de choses sur sa conception et ses origines. Notamment qu'il fut tourné en couleurs, que Michel Hazanavicius a regardé plus de 300 films en amont, les contraintes qu'implique le tournage au format 1.33, l'enthousiasme des gens à Hollywood pour ce film hommage à leur histoire fait par "un espèce de fou de français dans un format qui n'existe plus", etc...
CONCLUSION : Tout dans ce film respire la beauté et la perfection : de l'affiche, en passant par la lumière, la photographie, les acteurs, la réalisation, la musique. Les deux français Jean Dujardin et Bérénice Bejo et incarnent en silence magnifiquement leur personnage respectif, tantôt dans les rires, tantôt dans les larmes, sans oublier les claquettes. Ils livrent un jeu des plus complet, à l'image des acteurs de l'époque dont le film est un brillant hommage. Ils méritent amplement toutes les nominations et prix qu'ils puissent recevoir. Pour compléter le tableau, ils sont plus que bien entouré par un casting de seconds rôles hollywoodiens qui ajoute au cachet du film. L'un de mes coups de cœur de l'année 2011. Vous le retrouverez définitivement dans mon TOP10.
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